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Les femmes dans le Shiatsu, selon Carola Beresford-Cooke

Interview de Carola Beresford-Cooke sur la force féminine et la place des femmes dans le Shiatsu. Propos recueillis par Marjolein Roeleveld dans le cadre de sa thèse de Shiatsu intitulée « Femmes assises ensemble » qui porte sur la force féminine, le yin le plus profond et le leadership des femmes.

Partie 1/2 : Quelle est la place des femmes dans le Shiatsu ?

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Quelle a été la contribution des femmes au shiatsu ?

Carola : Honnêtement, je ne pense pas que les femmes aient fait autant que ce qu’elles auraient pu. C’est probablement dû à la tradition japonaise dans laquelle la relation va de l’enseignant vers l’élève. C’est un rapport de pouvoir. Les maîtres japonais (hommes) avec qui j’ai étudié n’aimaient pas que je pose des questions. Alors je me suis tue, je faisais ce qu’on me disait. Ce qui d’un côté n’était pas désagréable.

L’enseignant est celui qui a la connaissance et l’élève et celui qui ne l’a pas.

J’ai remarqué que les femmes enseignantes ne font pas ça. J’ai aussi remarqué qu’en occident on a tendance à glorifier l’enseignement, à créer le « guru ». Ca me semble différent en Orient.

Et puis, la plupart des enseignants sont des hommes car ils n’avaient pas à s’occuper des enfants. Ils étaient donc libres de se consacrer à l’enseignement. Là où les femmes étaient plutôt les élèves. Pourquoi, je ne sais pas vraiment. Peut-être parce qu’elles aiment le toucher. Donc il y a l’homme qui dit « toi, fais comme ceci, et toi fais comme ça ». Les étudiantes du Shiatsu à cet égard ressemblent quelquefois aux étudiants de bouddhisme que je connais, qui glorifient l’enseignant comme s’il avait des « superpouvoirs ». C’est quelque chose qui a besoin de changer.

Je pense que les femmes auraient pu questionner les hommes davantage, mettre le doigt sur ces différences. J’aime à penser que je l’ai fait.

Là où les femmes ont contribué, c’est dans la diffusion du Shiatsu. En sortant, en le pratiquant et en le faisant connaître au public. Et je crois vraiment que les femmes devraient enseigner davantage. J’aimerais en voir plus.

 

Et pourquoi elles ne le font pas plus selon toi ?

Carola : Je pense que c’est le doute. Douter de soi.

Je le rencontre tout le temps. C’est ne pas voir que ce que l’on fait c’est puiser dans un flow universel. C’est penser qu’on doit avoir un super pouvoir pour le faire, et que ce pouvoir, on ne l’a pas.

Je remarque que les femmes doutent beaucoup plus d’elles-mêmes que les hommes. Elles doutent de leur habileté à enseigner. J’en ai tellement encouragé à enseigner, à écrire, à faire des choses. Souvent elles disent « oh ! je ne suis pas sûre… ».

Mais ensuite quand elles le font, elles se sentent super ! Elles se sentent puissantes, car elles ont pu le faire. Mais il y a toujours cette barrière.

 

Est-ce qu’il y a du bon dans le fait de douter à ton avis ? Tu dis que la force des femmes est aussi cette capacité de douter ?

Carola : C’est une bonne chose parfois de douter, de faire un « reality-check » régulièrement, surtout si on enseigne. Si on ne se questionne pas, quelqu’un le fera pour nous derrière notre dos (rires).

Donc s’interroger sur soi-même est bon. Mais douter de ses ressentis et de sa capacité à exprimer ce que l’on ressent, ça ne l’est pas.

Il y a une idée en Aïkido, qui est de créer une réalité avant de commencer. Une réalité de victoire.

L’incertitude est ok si on se pose des questions comme « suis-je sur le bon point ? Non, je vais retourner à cet autre point-la, celui-là est le bon ». Cette sorte de doute peut arriver dans une séance dans laquelle, pourtant, on sait que ça va bien, qu’on aura un bon résultat parce que l’expérience coule bien. A l’intérieur de cette certitude on peut se poser des questions.

C’est une compétence qu’on pourrait développer davantage, et assez facilement car elle ne dépend pas de force physique ou de confiance en soi.

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Y-a-t-il quelque chose à dire à propos de la main spécifique de la femme dans un traitement de shiatsu, comparé à la main d’un homme ?

Carola : Je ne crois pas pouvoir répondre à ça, car je peux uniquement parler pour moi-même. Je ne sais même pas ce qu’il y a dans mes mains ! J’ai reçu des Shiatsu horribles par des hommes comme des shiatsu incroyables. Et c’est la même chose avec les femmes.

Ce que je peux dire, c’est ce qui fait un bon shiatsu pour moi : les moments où la personne savait exactement quoi faire et l’a fait. Un peu comme l’idée de l’Aïkido dont on parlait.

Traditionnellement, on considère que c’est une qualité masculine. J’ai lu cela dans des études de psychologie : la définition de la masculinité serait de savoir ce qu’on veut et faire le nécessaire pour l’atteindre. Peut-être que nous, les femmes, pourrions avancer dans cette direction : savoir ce que l’on souhaite atteindre dans une séance de Shiatsu.

Et je suppose que ce qui fait la force des femmes est cette capacité d’écouter et de suivre. Ça ne sonne pas comme du leadership, je sais, mais cette attitude est en réalité très puissante.

Vois-tu d’autres différences entre la place des hommes et des femmes dans le Shiatsu ?


Carola : Je pense qu’il faut écouter l’environnement, nous écouter davantage. (En baissant la voix, avec une petite grimace). Et peut-être qu’il faut arrêter d’écouter autant les hommes !

Avec Barbara (Aubry) on parle beaucoup de la posture des femmes dans le Shiatsu. Je pense que c’est assez difficile en France. Je pense qu’en Angleterre, on s’en sort bien.

L’un des gros problèmes avec les hommes dans le Shiatsu, est qu’ils couchent avec leurs élèves. C’est vraiment terrible. C’est aussi dû aux élèves. Les élèves veulent coucher avec leur guru, comme dans le monde bouddhiste.

Heureusement, nous avons un comité éthique très strict qui surveille cela. Les hommes qui font ça sont évincés de la communauté Shiatsu.

Cela implique qu’il y a des femmes puissantes dans le Shiatsu. Elles le sont parce qu’elles sont en accord avec ce en quoi elles croient.

 

J’attache cela à l’élément de l’eau, à l’essence, au « Yin », que je pense est quelque chose d’indispensable au monde actuellement, non ?

Carola : La force de l’eau, oui ! Les femmes dans le Shiatsu travaillent vraiment dur. C’est ce que j’associe à l’élément de l’eau.

Pour moi, parler du pouvoir de l’eau, où le pouvoir Yin, c’est comme retourner à la source, à la force de vie en nous. Et y retourner, cela nous amène à la source de la force, parce que c’est la source de la vie.

Tout le monde, l’a, hommes comme femmes. Mais je pense qu’on a une connexion particulière avec grâce à notre cycle menstruel, nos grossesses, et nos naissances. Les hommes sont plus « extérieurs ».

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Peux-tu nous donner une définition du Yin le plus pur, le plus profond ?

Carola : C’est l’obscurité étincelante. C’est ma meilleure description !

Et spécifiquement concernant les femmes, c’est revenir à la source. Se débarrasser du superflu et redescendre dans les fondamentaux. L’essence de la réalité.

C’est aussi s’éloigner du dualisme. Je suis Gémeaux, donc pour moi c’est toujours « ceci et cela ». Est-ce que je dois faire un choix entre les deux ? Ou bien est-ce que je trouve un espace intermédiaire ? Une façon qui permet de vivre avec du paradoxe, avec des choses étant différentes et qui tirent dans des directions opposées. Il faut juste trouver l’espace au milieu ou’ elles se réconcilient.

Je suis très claire sur le fait eu que notre plus grande force est aussi notre plus grande faiblesse, donc autant l’accepter. Si on est forte et solide, on est ennuyeuse. Si on est pleine d’inspiration et intérêts, on peut être imprévisible.

 

Lire la suite dans l’article : La force féminine, selon Carola Beresford-Cooke.

A propos de Marjolein Roeleveld : « Je viens d’être diplômée de l’école Zen Shiatsu d’Amsterdam avec cette thèse. J’ai une formation théâtrale (mime corporel, Etienne Decroux) et je sens que la force féminine a besoin de plus d’importance dans le monde. Dans tout mon travail, mon point de départ est le corps.
Dans « Femmes assises ensemble », j’ai interviewé des femmes en Shiatsu et en médecine orientale, et j’ai trouvé très inspirant la façon dont mes questions ont reçu des réponses différentes. J’ai également ressenti ce « savoir » universel sous-jacent en parlant à ces femmes, un savoir ancré dans la Terre Mère. Sentiment qui a donné du pouvoir à notre conversation Des femmes assises ensemble.
À l’avenir, je veux combiner mon travail de théâtre physique avec ce sujet.

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