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Shiatsu et cancer du sein : soulager les douleurs des patientes en traitement

Expérimentation sur l’impact du shiatsu comme soin de support dans l’après cancer. Cette expérimentation a été construite en partenariat entre l’Art du toucher, école de formation au sensitive shiatsu, l‘Hôpital Tenon et l’APHP, déjà engagés ensemble depuis 2020 par la proposition de séances courtes de shiatsu, sur le site de l’hôpital Tenon (Paris 20ème), pour les personnels soignants. Elle s’est déroulée au premier semestre 2023 après deux ans de préparation administrative et technique et grâce au soutien financier du laboratoire Daiichi Sankyo. 

shiatsu et cancer du sein

Le shiatsu, une approche de bien-être holistique

Le Shiatsu est un art du toucher d’origine japonaise. Le nom « Shiatsu » vient de « shi » (doigt) et « atsu » (pression avec une intention). 

L’origine du Shiatsu peut être comprise en observant nos réactions naturelles à la douleur ou au malaise. Lorsque nous souffrons dans une zone de notre corps, nous portons instinctivement nos mains à cet endroit pour exercer une pression avec nos doigts. Le Shiatsu est essentiellement une formalisation complexe de cette méthode curative ancestrale.

Ni massage, ni idéologie, ni médecine au sens occidental du terme, le shiatsu s’inscrit dans le domaine de la prévention et du bien-être. Il est reconnu depuis 1955 par le ministère de la santé japonais.

Le Shiatsu est une pratique holistique qui considère l’individu dans sa globalité, prenant en compte son environnement, son travail, son mode de vie, son alimentation, sa gestion des émotions, et le relie au Grand Tout. Tout ce que nous vivons depuis notre conception s’inscrit dans notre corps. En équilibrant le « terrain » de l’individu, le Shiatsu renforce l’organisme, le rendant plus résistant aux agents pathogènes et aux changements.

Cette discipline utilise des étirements, des mobilisations corporelles, des pressions manuelles sur des méridiens et des points d’acupuncture appelés tsubos pour équilibrer le système énergétique. 

Le shiatsu ne se substitue pas à un traitement médical ou thérapeutique. Dans le cadre de cette expérimentation, le shiatsu intervient en complément du soin des patientes dans le but de réduire les effets secondaires des traitements, leur apporter plus de confort, soutenir leur corps et leur transition vers la reprise de leur quotidien.

Cadre de l’expérimentation Shiatsu et Cancer du sein

Le projet a accueilli 18 patientes orientées par leurs chirurgiens ou médecins, eux-mêmes sensibilisés au projet par leurs pairs du comité de direction du projet et par l’expérience directe d’une séance de shiatsu.

Les patientes sélectionnées avaient pour points communs :
– d’avoir subi une mastectomie totale en 2022, avec ou sans reconstruction ;
– d’être en fin de traitement après une chirurgie avec ou sans traitement par radiothérapie, avec ou sans traitement anti-hormonal.
– de ne pas avoir reçu de chimiothérapie.

Nous avons proposé un accompagnement de chaque patiente sur 5 séances. Soit pour l’ensemble du programme un total de 90 séances. 

Le nombre de séances et de femmes accueillies a été fixé après de grandes hésitations. Dans un budget contraint, veut-on faire bénéficier le plus grand nombre de femmes possible des bienfaits du shiatsu ou souhaite-t-on accompagner plus en profondeur certaines d’entre elles ?

Nous avons fait le choix d’un temps d’accompagnement plus long, dont la pertinence a été confirmée par l’expérience. 

Nous avons fixé la durée des séances à 50 minutes (shiatsu + temps d’échange avant et après le soin) et leur répartition sur 3 mois dans la double intention de pouvoir observer l’effet cumulé des séances et d’éviter la démobilisation des femmes.

Barbara-shiatsu

Environnement pour les séances de Shiatsu et Cancer du sein

Nous avons choisi de recevoir les patientes dans le dojo de l’Art du toucher plutôt que dans le centre hospitalier à deux pas. Ce choix a été motivé par une volonté de marquer le changement du cadre des soins par l’accueil dans un espace non médicalisé.

Nous avons choisi de recevoir les femmes en groupe sur un jour et avec un horaire dédié avec l’idée de fixer un rythme et d’ôter le côté intimidant de la nouveauté en accueillant 2 ou 3 femmes à la fois dans l’espace du dojo. Nous avons reçu un premier groupe de 11 patientes puis un deuxième groupe de 7.

Nous avons laissé le choix aux patientes de choisir leur praticien (nous étions deux femmes et un homme) et les différents espaces installés dans le dojo. Les femmes pouvaient ainsi recevoir sur table ou sur futon, suivant leur état et leurs envies du moment.

Durant toute la durée de l’expérimentation, un lien régulier a été fait entre l’hôpital et les praticiens de shiatsu. Les médecins et les infirmières d’annonce suivant les patientes étaient au fait de leur parcours de shiatsu.

L’évaluation de la qualité de vie a été réalisée sur la base d’un questionnaire validé par l’administration hospitalière avant et après l’ensemble des séances. Nous avons établi des thèmes classiques de questions portant sur la douleur, la fatigue, la somnolence, les nausées, le manque d’appétit, l’essoufflement, la dépression, l’anxiété, le mal être. 

Shiatsu-cancer-du-sein-questionnaire

Retour d’expérience des praticiens

L’importance du shiatsu pour les patientes

Pour les trois praticiens que nous sommes, l’expérience a été satisfaisante, nourrissante et heureuse.

Le moment où nous avons rencontré ces patientes dans leur parcours de soin a été d’une importance, pour elles, que nous n’avions pas imaginée.

Ce moment précis de la fin du traitement médical après tant de rendez-vous, d’examens et d’interventions est un moment de grande fragilité pour ces femmes. La plupart nous ont fait part de leur désarroi voire de leur sentiment d’être abandonnée par leurs médecins alors qu’elles subissent toujours violemment les effets secondaires des traitements et de la mastectomie. Au moment où la lutte pour la survie s’efface et où l’accompagnement médical se termine, remontent les peurs profondes et l’insupportable de ne plus se reconnaître comme la personne qu’on était. Ce qui n’était pas un sujet pendant le combat contre la maladie submerge les femmes quand le danger s’éloigne. Elles se sentent alors démunies et seules. 

Protocole de séances shiatsu et cancer du sein

Le protocole en 5 séances s’est révélé particulièrement juste, pour les 2 groupes de femmes. Lors de la première séance les patientes sont arrivées très stressées par ce rendez-vous dans un nouvel endroit. Nous n’avions pas imaginé la très grande difficulté d’adaptation (pourtant logique*) de ces femmes éprouvées par la maladie. Cette séance leur a servi à prendre leurs marques et à nous accorder leur confiance. 

A la troisième séance, la moitié des femmes nous a parlé de la fin prochaine des séances avec l’angoisse de se retrouver à nouveau seules, avec leurs douleurs et face à leur corps voire leur vie qu’elles ne reconnaissent pas.

Cinq séances étaient le bon rythme pour laisser le temps de la rencontre, de l’installation du travail énergétique et de la séparation. 

La répartition des séances a toutefois été différente entre les deux groupes. Le premier groupe a bénéficié d’un parcours très progressif : séance 1, une semaine après séance 2, deux semaines après séance 3, trois semaines après séance 4, un mois après dernière séance.

Le deuxième groupe a vécu un rythme plus irrégulier en raison de vacances scolaires, jours fériés et indisponibilité du dojo. L’engagement des patientes a été moindre.

*L’adaptabilité, en Médecine Traditionnelle Chinoise, est reliée à l’élément Eau, à la Peur et au Rein, source de l’Énergie Vitale. Or la vie-même de ces femmes a été en question de longs mois

La relation praticien-patiente

Le choix, par les receveuses, de leur praticien s’est révélé très intéressant. Nous nous sommes sentis chacun la personne la plus juste pour accompagner la femme qui nous avait choisi. Que les relations soient chaleureuses ou parfois plus tendues (un bon rappel qu’on ne peut exiger d’une personne souffrante d’être agréable à chaque instant !). 

Parlant de la relation donneur-receveur, nous avons pu expérimenter l’importance du cadre. Par exemple lorsqu’une femme essaie d’obtenir notre approbation pour stopper un médicament dont elle ne tolère plus les effets secondaires ou lorsqu’elle tendrait à nous faire tenir un rôle autre que celui qui nous revient. La juste posture est la base de la relation d’aide, quelle que soit la façon dont nous sommes émotionnellement touchés. 

Les effets du shiatsu pour les patientes

Pour ce qui concerne les effets du shiatsu, nous avons vu chaque femme évoluer. Pour toutes, nous avons observé combien est puissante la reconnaissance de l’être, la considération profonde qui se vit par la magie d’un toucher éminent bienveillant. Pour ces femmes mutilées dans leur corps, atteintes dans leur féminité, et souffrant de douleurs et d’angoisses, le toucher du shiatsu a été profondément réparant, unifiant et apaisant.

Certaines femmes ont évolué dans leur acceptation des changements provoqués par la maladie ou leur relation à la reconstruction chirurgique mammaire. Parfois, souvent sans qu’elles le réalisent, nous avons vu leur réaction à l’imprévu s’améliorer, leur carapace fondre, leur fatigue s’amenuiser, leur visage s’adoucir, leur sourire plus présent…

En terme de Médecine Traditionnelle Chinoise, nous avons souvent trouvé un fort déséquilibre de la Vésicule Biliaire (jitsu), de la Rate et du Rein (kyo). Mais globalement nous avons surtout observé un débalancement notable de TOUS les méridiens, à l’image des multiples symptômes et inconforts exprimés par les femmes : grande fatigue, angoisse, grande peur, stress, ménopause, ballonnements et problèmes digestifs, déprime, problèmes de sommeil, douleurs musculaires et articulaires, mobilité réduite, impossibilité de faire face à l’inconnu, difficultés à gérer les émotions, sentiment d’incomplétude, d’abandon…

Shiatsu-cancer-du-sein-evaluation

Témoignage des patientes

« Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites. Moi on m’a coupée, on m’a séparée de mon corps. Quand les portes du métro se ferment, j’ai peur. Et là dans le toucher, dans cette proposition, je me retrouve, je fais confiance.»

« Quand je rentre chez moi après t’avoir vue je dors… et c’est bien comme ça pour moi. »    

« Je ne sais pas pourquoi je te raconte tout ça je ne l’ai jamais dit à personne. J’ai peur. »

« Vous ne vous rendez pas compte à quel point c’est précieux, ce que vous faites. »

« Je suis moins angoissée, moins stressée. Tout le monde à la maison voit la différence. Je dors mieux. J’ai moins de douleurs. Ça me fait beaucoup de bien. »

« J’ai l’impression qu’avec vos doigts vous reconnaissez ma douleur. »

Suite de l’expérimentation

Un film documentaire est en cours. Une deuxième édition est espérée par toutes les parties. L’intérêt serait d’arriver à un nombre de femmes prises en charge suffisamment important pour être significatif. 

Remerciements

Ont rendus possible ce projet :
– Art du toucher : Barbara AUBRY, directrice de l’école et praticienne en shiatsu, Adeline LECAS, praticienne en shiatsu, Jean RAMOND, praticien en shiatsu.
– Hôpital Tenon : Claire Théodore, Marie Sikora, Gaëlle Molina, Christine Dormoy.
– Laboratoire Daiichi Sankyo : Virginie Brunet.

7 commentaires sur “Shiatsu et cancer du sein : soulager les douleurs des patientes en traitement”

  1. En tant que psycho-socio-esthéticienne, je ne peux que approuver la démarche de soins ! Le toucher relationnel est essentiel dans l’accompagnement des personnes fragilisées dans leurs êtres psychiques et physiques.
    Nos métiers contribuent tellement à l’amélioration de l’image que les personnes ont d’elles-mêmes. Confiance en elles et en les autres…
    En toute logique, je retrouve beaucoup de points similaires avec ma pratique, cest génial ! Pourvu que l’expérience se renouvelle pour le plus grand nombre !
    Bravo et bonne continuation !

    Lise

  2. Je reconnais bien là la démarche de Barbara Aubry et de son excellente école L’Art du Toucher.
    Je suis profondément émue par cette initiative et je salue le travail d’équipe entre les soignants, les praticiens et les femmes qui en ont bénéficié.
    La guérison est une affaire personnelle mais nous avons tous besoin qu’on nous aide à remettre de notre conscience pure dans notre corps. Ces retrouvailles sont infiniment précieuses et source de guérison et de bien être.
    Je le remarque chaque jour dans ma pratique Ostéothaï.
    Je vous souhaite bonne continuation dans ce projet et vous envoie soutien et énergie pour sa réalisation, car je sais ô combien cela demande de l’investissement !

    Bravo et merci.

  3. Quel magnifique expérience humaine et quel beau témoignage.
    Très simple et humain. Très émouvant aussi, autour de notre merveilleuse pratique du Shiatsu.
    Bravo pour ce beau et généreux travail.

  4. Retour d’expérience très interressant. Merci de ce partage. Je pratique l’ohashiatsu avec l école d’orry la ville.
    Bon courage et continuez vos partagés svp

  5. Florence Dubessey

    Bravo Barbara, ainsi qu’a l’équipe d’avoir initiée cette expérience.
    Le corps et la présence au corps ont tellement d’importance pour notre mieux-être, il est souvent malmené ou oublié, et pourtant tout passe par lui. Redonner la conscience au corps pour retrouver la confiance en nous.
    C’est aussi ce que je constate dans ma pratique et mon accompagnement psycho-corporelle.
    Les témoignages des personnes reçues sont tellement touchantes.
    Merci pour ce retour.

  6. Merci beaucoup pour avoir mené cette étude précieuse.
    Quel beau témoignage !
    Ce temps d’accompagnement holistique me semble essentiel. Je suis ravie de pouvoir proposer cette approche par le shiatsu pour soutenir les personnes atteintes de cancer.
    Je serai ravie d’être informée de la future étude.
    En vous souhaitant de beaux accompagnements et partenariats.
    Chaleureusement.
    Christelle

  7. Intervenant moi même depuis plus de deux ans en shiatsu et en do-in auprès des patients et de personnes touchées par le cancer au sein de structures spécialisées (Institut Curie, Atelier Cognacq-Jay…), je ne peux qu’applaudir à ce type de démarche qui confirme les bienfaits du shiatsu en termes d’amélioration de qualité de vie. Le shiatsu commence à être intégré comme pratique de soins de support dans certains services oncologiques. Cette étude clinique est un élément important dans la reconnaissance des bienfaits du shiatsu auprès des professionnels de santé. Bravo à vous d’avoir mené à terme cette étude clinique qui a exigé une mobilisation de nombreux acteurs sans qui rien n’est possible.

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